La vie SDF au Luxembourg

Tout le monde a des droits. À part ceux, qui n'y ont pas le droit...


Il y a de plein d'animaux, qui ont moins de droits que les autres
Si monsieur Z. me fait dire par l'une de ses serveuses, qu'il y aurait des clients, qui se sentiraient dérangés par la présence du clochard au laptop et que je ne pourrais plus venir boire mon café sur leur terrasse que le soir, lorsqu'ils sont partis, il en a bien le droit, je pense, tout en me demandant, si l'honnêteté n'imposerait pas de mettre une affiche, montrant un sans-abri et le texte «Nous restons dehors», un peu comme on en voit concernant les chiens devant certains magasins. Si monsieur K., le directeur de la Belle-Étoile, fait chasser un SDF, qui y faisait régulièrement ses achats, pour la seule raison qu'il est SDF (je suppose que le critère de classification dans cette catégorie était le gros sac de couchage de l'armée, que je portais sur moi), je commence à me poser des questions (et j'en ai écrit un article: La Belle Étoile et les moins qu'un chien en 2015): Si la boulangerie de monsieur Z. est un endroit purement privé, la Belle Étoile, par son étendue, son nombre de clients et son intérêt d'ordre national, est presque comme un lieu public et ne pas y admettre des gens, juste parce que le patron a des préjugés ou des sentiments de haine, me semble guère admissible. J'ai fait des expériences semblables avec l'agent de sécurité devant le Cercle (cf. l'article Quo vadis, Lëtzebuerg?, que j'ai rédigé en 2011) et avec les agents de sécurité sur le Marché de Noël (les forains, qui me connaissaient bien, n'ont d'ailleurs pas apprécié et protesté auprès de la commune). Et puis, il y a eu ce concert au Knuedler et l'agent de sécurité de me dire «Nous avons reçu l'ordre de la commune de ne pas laisser entrer les gens, qui dorment dans la rue!» Oups! Et plus effrayant encore, ce qu'on m'a raconté, il y a quelques jours. Je ne saurais dire, si le bourgmestre ou ces collègues ont vraiment proclamé qu'ils ne toléreraient plus de sans-abri dans la ville d'E., mais avec tout ce que j'ai vécu avec les «gens normaux» ici, cela pourrait bien être le cas. Je ne sais pas pourquoi le rédacteur du Luxembourger Wort a censuré la comparaison du Grand-duché actuel avec les débuts de l'Allemagne nazie dans ma lettre aux lecteurs de décembre 2019 (voir Plaidoyer pour une vie libre en dignité pour tout le monde), mais je pense, qu'il a eu tort de le faire. Chasser des gens des places publics, pour la seule raison, qu'ils vivent dans la rue (on pourrait dire aussi: parce qu'ils sont différents), est-ce vraiment tellement différent de vouloir créer des «judenfreie Zonen»?
C'est en parlant de ces expériences vécues, que je voulais commencer ma lettre à madame Kahn et monsieur Bettel (avec copie, peut-être à l'ombudsfra). Lettre, que j'ai décidé d'écrire, quand j'ai appris que tous les résidents (en plus des frontaliers) ont reçu un bon de 50€ dans le cadre des mesures d'aide aux établissements d'hôtellerie et de restauration, mis en place en rapport avec le Covid-19. Je me suis demandé, pourquoi «tous» signifie «tous, sauf...», qui décide, qui en fait partie et qui non, si de telles décisions mentionnent explicitement les exceptions, si c'est conforme à notre Constitution, qui pour moi, devrait protéger tous, sans en exclure certains, si c'est la législation du pays ou le gouvernement, qui définit, qui est un citoyen, qui est un résident, qui a des droits et qui n'en a pas. «All animals are equal. But, there are animals, that are more equal than others», les habitants d'Animal Farm pouvaient lire un jour sur ce panneau, où étaient affiché les lois, qui devraient les sauver de l'esclavage connu avant. Il y a sans aucun doutes pleins d'animaux au Luxembourg, qui ont plus de droits que les autres, mais, surtout, il y en a, qui en ont moins. Et, effrayant à remarquer, que non seulement le nombre des droits, que nous avons, va en diminuant, mais aussi le nombre de ceux, qui ne les ont pas, augmente. Que peut-être dans cette situation difficile que nous vivons, les SDF auraient être oubliés, C. L. de la Caritas m'a dit. Une possibilité, effectivement. Oubliés soit par ceux, qui prennent les décisions, soit par ceux, qui les exécutent. Je me suis d'ailleurs demandé, pourquoi ni la Caritas, ni la Croix-Rouge ne se sont posé la question, pourquoi les plus pauvres du pays n'ont pas eu de bon comme tout le monde. Finalement décidé d'écrire ce texte, mais pas de lettre. Quand on regarde autour de soi, quand on parle aux gens, les caricatures de nos ministres, l'un voulant tout faire, pour faire les riches encore plus riches, l'autre voulant tout faire, pour faire les pauvres encore plus pauvres, me semble une triste réalité et au lieu de jeter mon argent pour acheter des enveloppes et des timbres, je pourrais aller boire un café dans cette autre boulangerie, où les «vieux fascistes d'E.» se font rares et personne ne veut me chasser, parce que je vis autrement qu'eux.
Toute chose dans notre univers est relative, tout dépend des définitions en vigueur à un moment donné. Ainsi, j'ai constaté, qu'au Luxembourg du 21e siècle, «schaffen» n'a rien à faire avec travailler, mais signifie recevoir une certaine somme tous les fins de mois, soit pour effectivement avoir fait quelque chose, soit pour juste prétendre de l'avoir fait. La définition de ce mot n'a plus rien de ce qu'elle était dans le passé, elle a changé, a été entièrement modifiée dans le temps, comme c'est le cas avec plein d'autres termes. Si la Constitution est là pour tous les citoyens, la question, qui se pose, est donc de savoir qui est un citoyen et, comme une partie des droits, qu'elle nous donne, s'applique aux résidents uniquement, qui est un résident. Il faudrait connaître les définitions exactes de ces termes à ce moment précis. Il faudrait savoir aussi, si ces définitions sont elles aussi protégées par la Constitution ou des lois, ou si nos politiciens peuvent les modifier à leur guise. Argumenter sur les bons de 50€ est par conséquent pas chose facile et évidente et comme dans les offices sociaux, ils trouvent toujours un article de loi, qui justifie, qu'ils donnent aux uns et refusent aux autres, ceux, qui auraient répondu à ma lettre, si je la leur avais envoyée, auraient trouvé plein de raisons pour déclarer mon argumentation injuste, non approprié, pas applicable, hors contexte, bref trouver plein de prétextes pour créer une société, où les uns bénéficient de plein de privilèges, tandis que d'autres sont exclus pour une raison ou une autre.
«Tous les résidents de plus de 16 ans et tous les frontaliers vont commencer à recevoir le bon de 50 euros...», on peut lire dans un article sur paperjam.lu. Clair et évident donc, que les gens, qui vivent dans la rue, ne sont pas comptés parmi les résidents. Comme non seulement les gens, vivant au pays, mais aussi les frontaliers y ont le droit, le fait, qu'ils n'ont pas d'adresse au Luxembourg, ne peut pas être la raison (comme c'est le cas avec le RMG, par exemple). Seule explication, que je trouve: c'est parce que nous n'avons pas d'adresse, que nous ne sommes pas des résidents, que nous n'avons pas le droit au bon, que peut-être nous n'avons pas les droits, que la Constitution devrait garantir à tout le monde. Cette définition de «résident» me semble ni sensée, ni justifiable. Tous ceux, vivant à l'étranger avec une boite postale ici, seraient donc des résidents? Même ceux, qui n'ont rien du tout à faire avec ce pays, y auraient des droits? Tandis que des gens nés ici et vivant ici, devraient en être exclus? Comment on peut perdre le statut de «résident» pour la seule raison de n'avoir pas de toit sur la tête? Comment on peut justifier que des gens, qui ont travaillé, souvent durant de longues années, au Luxembourg, se voient refusé le droit d'être considérés comme résidents ou même comme citoyens? Distribuer avec deux mains à plein parasites, qui ne feront jamais autre chose ici que profiter des gens honnêtes et oublier ceux qui ont aidé à construire le pays? Difficile de pas vomir! Que peut-être les sans-abri n'ont pas reçu de bon, parce qu'ils ne savaient pas où l'envoyer, on m'a dit chez Streetwork Uewerstad. Les bons étant à titre nominatif, il n'y avait aucune raison pour ne pas les envoyer aux institutions sociales, qui auraient pu les distribuer aux concernés. Pas pu le faire, parce qu'on ne savait rien de l'existence de ces gens? Étant nés ici, ils sont bien recensés au Répertoire des personnes physiques et morales du Centre Informatique. Enregistrements avec plein de points d'interrogations, mais qu'est-ce que cela change? S'ils étaient morts ou s'ils avaient émigrés, on aurait envoyé un certain nombre de bons pour rien, mais il s'agit juste de bons, pas d'argent liquide et ces bons n'auraient pas pu être utilisés par autrui. Et dire, que de cette manière des sans-abri, nés ici, mais résidant dans les pays voisins auraient pu profiter ... ridicule. À part la base de données au Centre Informatique, il y a les listes des institutions sociales. En tenir compte aurait nécessité un travail supplémentaire, mais cela aurait été faisable sans problème et si cela n'a pas été fait, c'est parce qu'on ne voulait pas le faire. Ou bien parce que quelqu'un a explicitement décidé et ordonné de ne pas le faire...
Refuser les droits civiques à des gens pour la seule raison, qu'ils n'ont pas d'adresse, est, dans ma conception d'État de droit, inacceptable. Et, si les concernés sont des gens, qui ont travaillé et payés leurs impôts ici, une injustice flagrante. Un scandale, on pourrait dire aussi, surtout si on considère une politique sociale, prétendant que tout vendeur de drogues, venant au pays, devrait recevoir de l'aide dans les foyers sociaux. Mais peut-être le problème devrait être abordé autrement. Au lieu de se poser les questions pourquoi il faut avoir une adresse pour faire partie des résidents et pourquoi des gens, ayant travaillé ici, perdent le droit à être considérés comme résidents, s'ils n'ont pas d’adresse, on devrait peut-être se demander, pourquoi les gens, vivant dans la rue, du moins ceux nés ici, n'ont pas le droit à avoir une adresse? «Encore une chance de manquée», M. Schaus, dans le temps assistant social à la Stëmm vun der Strooss a dit, lorsque la France a décidé de donner aux sans-abri une adresse dans la commune, où ils squattent la majeure partie de l'année et qu'il n'y a eu rien de semblable au Luxembourg. Il y a des possibilités, certes, mais c'est plutôt théorique. Avoir une adresse fictive chez la Caritas était possible autrefois, mais je pense qu'actuellement ce droit est réservé aux migrants. Il y a la possibilité aussi chez les communes, mais la décision, si on est citoyen ou non, est prise par une commission s'appuyant sur la preuve qu'on habite effectivement au pays, donc avec toute la liberté de trouver une raison pour refuser à la tête du client. Sans aucun doute, il y a d'autres conditions, aussi. En plus, ce n'est que provisoire, trois mois, je pense...
Dans un pays, qui devient de plus en plus uniquement pour les riches et son système social, qui de nombreux points de vus semble archaïque en comparaison avec d'autres pays, l'exclusion sociale va devenir un problème sérieux dans un futur très proche. La situation financière de beaucoup de gens se dégrade («50% des familles monoparentales vivent au seuil de la pauvreté», dit la Caritas) et le confinement en relation avec le Covid-19 va sans aucun doute faire fortement accroître et le nombre de ceux, qui devront économiser sur plein de choses afin de pouvoir payer leurs loyers et le nombre de ceux qui n'ont pas de logement. D'ailleurs, on peut se demander, pourquoi ils n'ont pas ancré le droit à un toit sur la tête dans la Constitution, comme ils avaient prévu à un certain moment. Peut-être parce que, lorsqu'on est député au Luxembourg, on ne doit plus se soucier de son avenir (voyant les fonctions à rémunération n fois le salaire minimum, qu'occupent ceux, qui étaient dans la politique dans le passé). Je pense, non, je suis convaincu, qu'ils se trompent, qu'ils font une grave erreur, qu'ils détruisent le futur des générations à venir. Le gouvernement avec sa politique asociale, injuste et discriminatrice, tout comme les «gens normaux», qui jugent sans aucune importance, que nous n'avons pas reçu de bons, que nous n'avons pas le droit à plein de choses, parce que nous vivons dans la rue. La principale caractéristique d'une démocratie n'est pas de faire ce que veut la majorité, mais de protéger les minorités des abus, que leur pourraient faire subir les autres. Refuser le droit d'être considérés comme des résidents aux sans-abri, c'est indirectement donner raison à messieurs K. et Z, aux agents de sécurité devant le Cercle et au marché de Noël, à tous ceux, qui se croient supérieurs aux autres. Harcèlement de certains groupes de gens indirectement autorisé, parce qu'ils vivent différemment, parce qu'ils sont différents, parce qu'ils ne sont pas comme ceux, qui se prennent le droit de définir, comment il faut être. La caractéristique principale de la dictature, l'idée centrale du fascisme... Pauvres enfants, qui devront grandir dans cette société inhumaine, que vous êtes en train de construire!
 
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