La vie SDF au Luxembourg

Impressions d'une après-midi passée à Luxembourg-ville.

Affiche grotesque à Luxembourg-ville: La ville vit!
L'un des désavantages de vivre dans cette ville, qui en dehors de la saison touristique n'est qu'un patelin comme tant d'autres, est que si l'on a besoin de quelque chose, il peut arriver de ne pas l'avoir, parce les deux seuls magasins, qui le vendent, sont soit fermés, soit en rupture de stock. Cela m'arrive assez fréquemment avec mes Agio, auxquels je tiens et alors je décide habituellement de prendre le bus pour aller me les procurer à Luxembourg-ville. Un endroit, où j'ai vécu durant plusieurs années, le temps, où je travaillais au Centre Informatique, après y avoir démissionné et aussi en tant que SDF. J'aimais bien cette ville, qui par son emplacement dans les rochers, les vestiges de la forteresse et plein d'autres aspects, est vraiment un très bel endroit. Et dans le temps, on pouvait y vivre tranquillement et en sécurité, rien de ces problèmes qui existent dans la plupart des capitales du monde. Cela a entièrement changé ces dernières années: Luxembourg-ville est devenue une grande poubelle puante, la manifestation la plus parlante du fait, que le pays, où je suis né, fait partie du passé et que dans ce qu'il est devenu, on ne peut qu'être content d'être un quinquagénaire, qui sera épargné de devoir être témoin de ce qu'il sera dans le futur.
Arrivé au centre-ville, je passais chez Streetwork Uewerstad pour boire un café. Devant la porte, car à cause du Covid-19, le nombre de ceux, qui peuvent entrer, est limité à 10 personnes. Si la libre circulation des gens dans l'Union Européenne est un droit pour les gens régulier, elle doit en être un aussi pour les SDF et personne ne devra pouvoir empêcher tous ces ivrognes, venant de l'est, de venir s'installer au Luxembourg. Que, pour des raisons humanitaires, notre système social s'occupe d'eux, là encore je suis entièrement d'accord. Mais, vu la situation difficile de beaucoup de résidents, qui en dépit d'aller travailler tous les jours, deviennent de plus en plus pauvres, est-ce qu'il faut vraiment les gâter autant? Est-ce qu'on ne devrait pas exiger d'eux un minimum de respect et de comportement comme des êtres civilisés? Et puis, que les SDF locaux doivent rester dans le froid, pour qu'eux, ils puissent se soûler à l'intérieur, là j'ai des difficultés à l'accepter. Ceux qui ont aidé à construire ce pays ne méritent pas cela et un système de priorité ne serait aucunement un signe de racisme, mais plutôt un signe de reconnaissance et de respect.
Tout n'est pas mal à Luxembourg-ville et tous les gens n'y sont pas des robots sans âme, courant après l'argent ou le plaisir. Ainsi, la caissière dans le magasin à la place d'Armes, où j'achète habituellement mes cigarillos, est plus que gentille; nous discutons et rigolons ensemble, chaque fois que j'y passe. Plutôt dégoûté quand-même, quand je sortais du magasin, pas à cause d'elle, mais à cause d'une situation, qui donne lieu à se poser plein de questions. Une femme, probablement française ou belge, achetait 10 fardes de cigarettes. Prête à passer la frontière avec une telle quantité de tabac montrait qu'elle fait partie des gens modernes du 21e siècle, des gens, qui n'ont aucune gêne, qui n'ont aucun problème à ne pas se tenir aux lois. On en voit des exemples tous les jours, l'un des plus effrayant pour moi, tous ces automobilistes, qui passent les passages pour piétons sans s'arrêter et s'il arrive qu'ils heurtent quelqu'un, bon nombre d'entre eux continueraient leur course, comme si rien ne se serait passé. Ceux, qui ne pensent qu'à eux-mêmes et s'en foutent des autres, sont récompensés; une autre caractéristique du monde moderne. Et la bonne femme a eu le droit d'avoir deux bouteilles de vin gratuitement. Plus qu'on a de fric pour acheter quelque chose, plus qu'on reçoit pour rien. Plus qu'on brise les règles et les lois, plus loin on arrivera dans ce pays!
Passer à la gare centrale sans vomir n'est plus possible depuis plusieurs années. Des douzaines de jeunes blacks, qui y faisaient leur cirque journalier. Maintes fois j'ai vu que les agents de sécurité ou la police ont dû intervenir. Mais pourquoi ils devraient s'en inquiéter? Ils savent bien que, s'ils sont emmenés au commissariat, ils pourront repartir quelques heures plus tard, parce que le procureur décidera ainsi. À l'intérieur, la presque totalité des chaises occupées par des immigrants de tout âge. Non pas des voyageurs, attendant le train, mais de ces privilégiés, qui, parce qu'ils viennent de certains pays, ont le droit de recevoir tout, dont ils ont besoin de notre système social sans jamais devoir travailler une seule heure et qui y traînent chaque jour durant des heures juste pour passer le temps. Pourquoi il ne serait pas possible que dans l'un des trois espaces avec chaises, tout le monde (donc aussi les jeunes arabes et noirs) seraient obligés de porter des casques pour écouter leur musique, regarder des films ou jouer leurs jeux vidéos, j'ai une fois demandé à une employée CFL. Question idiote! Dans un pays, où si on veut réussir dans la vie, il faut avoir aucune gêne, aucune honte, être prêt à profiter, mentir, tromper, à briser les règles et les lois, est-ce qu'il n'est pas évident que seuls sont respectés les plus forts, ceux qui ne respectent pas les autres? Donc à moi de mettre des casques, pour ne pas les attendre, de sortir ou tout simplement me laisser convaincre que faire du bruit est maintenant ce qui est normal. Comme laisser traîner des saletés partout, de voler dans les magasins, de taper...? Cette "normalité moderne", on peut l'observer chaque fois quand on passe à cet endroit, mais ce que j'ai vu dans l'avenue de la Gare, c'était du nouveau. Que la drogue joue un rôle capital dans ce pays, je l'avais remarqué bien avant que notre gouvernement a fait savoir que fumer du cannabis n'est pas plus nocif et dangereux que fumer une Agio. Mais des douzaines de gens, de toute nationalité, statut social et âge, qui demandent au sans-abri, qui y fait sa manche, où on peut se procurer de la cocaïne? Et, quand on suivait ces gens des yeux, les voyant peu après avec un black, qui soit leur passait quelque chose, soit dictait la commande dans son GSM. Vente, plus ou moins ouverte, de cocaïne sur le trottoir - comme cela ne peut être en rapport avec tous ces magasins, qui ferment leurs portes, est-ce peut-être cela, que la commune de Luxembourg a en tête, lorsqu'ils déclarent que la ville vit?
Les moutons deviennent de plus en plus semblables les uns aux autres et finiront par être interchangeables, sans aucune individualité. D'autre part, il existera toujours quelques moutons, qui courront dans la direction opposée du troupeau et deux de ces moutons noirs m'ont offert un nouveau laptop pour Noël (ému et très reconnaissant). Prévoyant profiter de ma visite dans la capitale pour acheter un stick USB, je me suis rendu chez Saturn. C'est peu probable que la boîte avec deux sticks a le même prix que celle avec un seul. mais je me disais, que les sticks USB2 à petite capacité n'étaient plus guère demandés et peut-être qu'ils voudraient s'en débarrasser. Pas la possibilité de demander le prix, car la caissière ne m'écoutait pas, déballait la boîte et me faisait l'addition: le double du prix, que j'avais cru. Je lui ai dit que cela ne correspondrait nullement au prix sur l'étiquette et elle répliqua que j'aurais sans doute regardé celui de la boîte avec un seul stick. Je n'aime pas quand on me prend pour un con et, déjà de mauvaise humeur par tout ce que j'avais vécu ce jour, je commençais à me mettre en colère. Que le prix affiché serait la moitié de ce qu'elle me demandait, je lui reprochait. Qu'afficher de faux prix serait illégal et qu'il faudrait appeler la police. Afficher des faux prix n'est effectivement pas légal, mais pourquoi une grande chaîne comme Saturn devrait s'en soucier? Et pour beaucoup des jeunes d'aujourd'hui, d'ailleurs beaucoup plus souvent pour les filles que pour les garçons, se moquer des vieilles gens est chose normale. La collègue de la caissière se mêlant à notre discussion et moi-même de plus en plus convaincu d'être ridiculisé, j'ai laissé les sticks et je me suis dirigé vers la sortie. «Et un joyeux Noël, monsieur», elles me criaient après. Perçu comme une insulte. Insulter les autres, chose normale aussi dans notre pays moderne. J'ai raconté mon histoire à un ami et il me parla de ses propres expériences avec Saturn, les clients de ces grands magasins n'étant considérés que comme des sources de fric, le personnel ne montrant aucun intérêt à ce que le client soit satisfait, car il n'est qu'un parmi des milliers d'autres et quelle importance, s'il revient ou non. M. a d'ailleurs réagi de la même manière que moi: il a laissé l'appareil de photo de 1.500€, qu'il voulait acheter à la caisse et s'en a procuré un chez un photographe.
Enfin dans le bus pour retourner chez moi. Mais, là encore, des expériences, qui montrent combien malade est cette société et ceux qui la dirigent. Trois jeunes hommes, très probablement des réfugiés, avaient besoin de 7 sièges, car les sacs, qu'ils portaient sur eux, étaient tellement grands, que, s'ils avaient été une douzaine, ils auraient eu besoin d'un bus entier. Des réfugiés avec des sacs énormes, remplis de vêtements et d'aliments, on en rencontre partout, même dans mon patelin à l'est du pays. «Plus de la moitié des ménages monoparentaux vivent au seuil de la pauvreté», dit la Caritas. On ne peut pas jouer en même temps pour la Fola et la Jeunesse; un gouvernement, qui voit sa priorité à tout faire pour rendre la vie agréable à ceux, qui passent la journée à ne rien faire, ne peut avoir du respect devant ceux, qui vont travailler tous les jours. Comme chez Saturn, rien que des sources de fric. Pour la cinquième fois, que j'ai dû partager le bus avec l'un de ceux, qui se croient (et malheureusement le sont de nombreux points de vue) au-dessus des lois, qui ne respectent ni les autres, ni leurs affaires et qui n'ont aucun scrupule de fréquenter les lieux publics, sans mettre leur masque. C'était d'ailleurs un immigré aussi, comme c'était des immigrés les quatre fois avant. Mais, les résidents ne sont pas mieux. Dans mon village, il y en a plusieurs de ceux, qui ont trouvé le truc de vivre la moitié de leur vie du RMG et on peut les voir tous les jours sortir des super-marchés avec des sacs bien remplis. Et, les non-masqués que j'ai rencontré dans les magasins ici, c'était tous des luxembourgeois ou des portugais.
«Une ville qui vit», ils veulent nous faire croire. Un pays, qui est en train de disparaître dans le chaos. Cela m'a une nouvelle énervé hier, quand une douzaine de jeunes se sont rassemblés sur la petite colline, où se trouve mon "château", pour fumer leurs joints. Mais, est-ce qu'on peut vraiment leur faire des reproches? Est-ce qu'il ne faut pas plutôt leur donner raison? N'est-ce pas juste essayer de supporter la vie dans une société, où la vie est devenue invivable? N'est-ce pas juste essayer de ne pas penser à un futur, qui pour la majorité d'entre d'eux, ne sera qu'une vie qui ne vaut pas d'être vécue?
allu, janvier 2021