La vie SDF au Luxembourg

Les fêtes de fin d'année plein de regrets et de doutes.

Les robots sont à envier!
Quand le soleil est parti et quand on a de plus en plus de difficultés à croire qu'il sera de retour un jour, quand on reste abandonné dans le noir et le froid, vivre n'est plus guère autre chose que survivre, plus possible de s'imaginer le bonheur, plus possible de vraiment se réjouir ou éprouver de la satisfaction de ce qu'on fait, perdant confiance en soi-même et les autres, regrettant le temps, où elle était encore présente dans ma vie, regrettant de ne pas avoir profité alors pour partager quelques moments avec elle, doutant de toutes ces choses, dont j'étais sûr avant... Et les fêtes de fin d'année ne faisant que renforcer la tristesse et le désespoir. Pas étonnant donc que Noël et Nouvel An 2018 sont devenus parmi les moments les plus pénibles de ma vie.
«La joie des uns est la souffrance des autres», dit le proverbe. Et en plus de leur effet renforçant des pensées négatives, les fêtes de fin d'année créent des problèmes supplémentaires pour les gens qui vivent dans la rue, en premier lieu ceux, qui n'ont jamais appris à taper et par ce fait doivent avoir peur pour leurs affaires et leurs os, quand ils entrent dans ces institutions, dont la presse fait croire aux gens qu'ils seraient pour nous. Noël et Nouvel An, tout ou presque tout est fermé, ces journées ont commencé pour moi sans avoir la possibilité d'avoir une tasse de café, sans avoir la possibilité de remplir mon thermos, sans avoir la possibilité de trouver du courant pour charger mon laptop. À moins de partir à Luxembourg-ville et d'essayer de trouver ce dont j'avais besoin dans l'un des centres sociaux qui étaient ouverts, peu de chances de réussir, car les endroits, où je peux aller en sécurité (en premier lieu Kontakt 28 et Streetwork Uewerstad) sont fermés ces jours-là.
Le 25 décembre c'est le jour de Noël de la rue. J'y suis passé pour repartir résigné: Il n'y aurait pas de prises, où je pourrais charger mon ordinateur, on m'a dit; pour avoir du café, je devrais attendre que le lunch soit terminé; que de l'eau chaude pour mon thermos, il n'y en aurait pas. Je n'ai pas vérifié, mais c'est difficile à croire, que dans une grande école comme le Fieldgen on n'aurait pas pu (avec juste un tout petit peu de bonne volonté) trouver une prise; ni je suis convaincu qu'avec des douzaines de jeunes arabes (qui n'omettent aucune occasion de recevoir des choses gratuites à ces endroits qui à l'origine étaient conçus pour les SDF), que j'y voyais, ils n'avaient pas d'eau chaude pour faire du thé. Quoi qu'il en soit, ce sont eux qui doivent savoir pour qui ils veulent être là, qui ils veulent aider et de quelle manière.
Une tasse de café, je l'ai eue au buffet de la gare, de l'eau chaude n'était pas absolument nécessaire, mais un laptop chargé, c'est prioritaire pour moi. Ainsi décidé de tenter ma chance à la Wanteraktioun. De très mauvais souvenirs avec cette institution: c'était ici, qu'en 2014, ces messieurs importants de là-bas m'ont volé mon ordinateur, la première fois de 5 en tout, où ces gens sans aucun respect m'ont enlevé ou cassé tout ce qui me tenait à cœur. Qualifié par "rien d'autre que du socio-tourisme" par un assistant social de la Croix-Rouge dans le temps, personnellement je suis d'avis que l'action d'hiver est le moyen le plus simple pour des parasites, voyous et criminels du monde entier de venir au Luxembourg et, s'ils en ont envie, d'y rester, de vivre de notre système social tout en étant mêlés à toute sorte d'activités illégales. Le meilleur signe que c'est tout, mais pas un endroit pour sans-abri, ce sont les dispositifs de sécurité importants mis en place: si les années avant, il y avait 2 agents de sécurité, maintenant il y en a 3 ou 4, les gens, y voulant entrer, étant forcés de vider leurs poches et de se laisser fouiller avec un détecteur de métal! Je pense que je suis quelqu'un de très tolérant et prêt à discuter de plein de choses, mais trouver justifiable que les gens honnêtes, qui deviennent de plus en plus pauvres, doivent payer des impôts pour financer des endroits, où des porteurs d'armes se rassemblent pour bien bouffer grâce à l'argent qu'on aurait pu utiliser pour construire la maison de repos à Rumelange (projet refusé, d'après un article que j'ai lu dans l'Essentiel), je ne le saurais jamais. Et voyant entrer en même moment que moi ce russe qui, il y a quelques années, a tapé du pied dans mon ordinateur dans la Téistuff, montre bien que les vieux et les faibles ont toutes les raisons de rester à l'écart de tels endroits. Les règles (émis par le ministère, on m'a dit) ne prévoient pas de charger les appareils électroniques des clients; défense absolue aussi de remplir des thermos ou similaire non seulement avec du café, mais aussi avec de l'eau chaude! Le 25 et 26 décembre, ils ont fait l'exception pour moi. «Parce que je lui serais sympa et parce que les règles seraient faites pour pouvoir faire des exceptions», la jeune femme d'Inter Actions m'a expliqué. Le 1er janvier, ce n'était plus vrai. Enfin, ils l'auraient fait, sous condition que j'y entre. Très mal à l'aise avec de telles situations. S'ils avaient refusé tout court, je ne l'aurais peut-être pas vraiment trouvé logique, mais pu le comprendre et accepter. Mais le lier avec la condition d'y entrer... Ils savent combien j'avais souffert par ces gens, à qui je n'avais jamais fait d'autre mal que payer des impôts durant presque 20 ans pour qu'ils puissent vivre ici; ils savent que j'ai peur; ils savent combien cela me cause des problèmes de voir comment notre système social dépense des centaines de milliers d'euros pour soutenir des vendeurs de drogues, des voleurs et des jeunes qui n'ont aucune retenue de taper un vieil homme dans son sac de couchage du pied dans la figure ou de lui briser les côtes, tandis que plein de ceux, qui ont reconstruit ce pays après la guerre, doivent vivre de toutes petites pensions. Un nouvel exemple de ce que j'appelle "devoir renoncer à ma dignité humaine..." Mais, avec les expériences que j'avais faites avec la Wanteraktioun avant et que j'y vais quand-même, est-ce vraiment justifié de me plaindre?
Finalement allé au Courage, la première fois depuis juin 2017, où cette jeune éducatrice m'y avait dit que si je ne voulais pas être volé, je n'aurais qu'à rester dehors. Que la situation des SDF, tout comme la société, change d'année en année, et définitivement dans la mauvaise direction, il y en a plein d'exemples. Mais, parfois, il y a des choses positives aussi! Depuis un certain temps, la Téistuff est réservée aux clients du Foyer Ulysse; ces gens, pour la grande majorité des résidents (je suppose du moins que c'est toujours ainsi) ont enfin un endroit où ils peuvent passer la journée en tranquillité et en sécurité. Du nouveau au Courage aussi: un agent de sécurité, enfin, peut-on dire. Et les éducateurs (du moins ceux qui travaillaient ce jour-là) ne semblent plus tolérer ceux qui y viennent pour faire du "bordel". Ainsi, les hurlements de M. le gitan ne duraient pas beaucoup plus longtemps que ceux du monsieur à la Stëmm vun der Strooss à Esch il y a quelques semaines. Mis à la porte! Tout simplement. Éloigner ces gens sans respect, c'est respecter ceux qui se comportent en tant qu'êtres civilisés! Par contre, ni possible de charger le laptop derrière le comptoir, ni d'avoir de l'eau chaude pour mon thermos. Je me suis finalement assis près du sapin de Noël, branchant ma machine à la prise à cet endroit. Personne ne m'a volé ou cassé quelque chose, personne ne m'a dit «Dégage fils de pute; ta place est dehors», en fait, tout le monde me laissait tranquille. Le Courage devenu un endroit, où même les gens qui n'ont pas plein de courage peuvent aller? Aucune idée. En tout cas, cela est toujours une place, où les gens d'ici ne peuvent se sentir que comme étrangers, la grande majorité des clients étant toujours des jeunes arabes, rares ceux qui parlent une langue, dont je comprends un seul mot. Est-ce vraiment pour cela que ces institutions ont été créées? Si déjà ces jeunes ont le droit de venir ici et d'y rester sans jamais devoir travailler une seule heure, si déjà ils ont le droit à un logement et leurs nourriture et vêtements gratuits, est-il vraiment nécessaire (respectivement vraiment justifiable) qu'ils prennent les places des résidents, parmi lesquels tous ceux qui n'ont pas de toit sur la tête, dans les centres sociaux? Personnellement, je ne le pense pas; malheureusement notre Ministre de la Famille et son chef voient les choses tout à fait différemment!
Pas possible, en tout cas, d'entrer dans ces endroits sans infiniment regretter d'avoir jeté 18 de ma vie pour aller travailler dans ce pays: Une erreur de jeunesse impardonnable! Mais, est-ce que cela a encore un sens quelconque de mentionner ces choses? Ne sommes-nous pas depuis un bon moment dans une situation, où les politiciens ne considèrent les citoyens que comme des payeurs d'impôts qui, quand ils ont fait ce qu'on attend d'eux, deviennent semblables à un micro-ondes qui ne fonctionne plus ou un smart-phone remplacé par le nouveau modèle, sont considérés comme des déchets humains? Insensé donc cet article, insensé donc mon site Web SDF? Peut-être il serait le temps d'arrêter avec toutes ces choses avec lesquelles je remplis mes journées. Mon soleil parti, je n'arrive plus à vraiment croire à ce que j’écris. Le respect et la dignité humaine, ne s'agit-il pas de notions obsolètes, qui dans notre société moderne n'ont pas plus de place que l'honnêteté, l'amitié ou de la vraie affection pour quelqu'un? Regrets et doutes, plus sûr de rien! Même me demander que si je n'avais jamais commencé à me battre pour mes droits, si je n'avais jamais commencé à réaliser ma page Web et autres projets, elle serait peut-être encore là... Heureux les robots qui (durant des jours comme Noël et Nouvel An) peuvent se déconnecter!
allu, janvier 2019